Féminin d’un artisan : comment le former et son importance pour l’égalité des genres

17 octobre 2025

Femme artisan travaillant dans un atelier ensoleille

109 000. C’est le nombre de femmes à la tête d’une entreprise artisanale en France en 2023. Un chiffre qui frappe, mais qui n’éclipse pas le paradoxe : le mot « artisane », lui, reste encore absent des conversations, comme si la langue avait du mal à rattraper la réalité du terrain.

Depuis 1999, l’Académie française a tranché : le féminin d’« artisan » existe, il s’écrit « artisane ». Pourtant, dans la vie professionnelle, l’usage reste timide. Sur de nombreuses cartes professionnelles, le genre s’efface ou laisse place à une neutralité polie, alors que les femmes confirment leur présence, lentement mais sûrement, dans toutes les sphères du secteur.

La langue, elle, hésite. Les intitulés de poste tardent à évoluer, traînant derrière eux des habitudes tenaces. Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes : les écarts persistent, qu’il s’agisse de la reconnaissance des compétences, des perspectives d’évolution ou des salaires. Oui, la féminisation avance. Mais sur le terrain comme dans les mots, les résistances subsistent.

Femmes et artisanat : une histoire de longue date souvent méconnue

Les femmes dans l’artisanat ne sont pas une exception ni une tendance récente. Depuis des siècles, elles animent les ateliers, dirigent les boutiques familiales, transmettent des savoirs qui façonnent les métiers. Pourtant, la mémoire collective se cramponne à une image masculine de ces métiers, négligeant ces figures féminines qui ont pourtant joué un rôle central. Les archives ne manquent pourtant pas de preuves : au Moyen Âge déjà, certaines corporations admettaient les femmes, notamment les veuves, capables de relancer une entreprise et de former les jeunes apprentis.

Cet héritage pèse encore sur la perception de l’artisanat et alimente des stéréotypes durables. Sur la quasi-totalité du million d’entreprises artisanales françaises, les femmes restent moins nombreuses dans certains secteurs, surtout là où les habitudes masculines sont tenaces : bâtiment, industrie, métallurgie. À l’opposé, des secteurs comme l’alimentation, le textile ou la coiffure leur laissent une vraie place, même si cette spécialisation n’est pas toujours un choix.

Pour mettre en lumière cette diversité de parcours, certains chiffres aident à situer le paysage :

  • D’un pays européen à l’autre, la proportion de femmes dans l’artisanat oscille entre 20 % et 40 % selon les secteurs.
  • En France, elles constituent environ un quart de l’ensemble, mais restent rares dans les postes à haute visibilité ou à responsabilités.

Rendre visible la réalité des femmes artisanes dépasse la question du vocabulaire. Il s’agit aussi de regarder sans œillères la façon dont notre société valorise, ou invisibilise, ces trajectoires. Employer le mot « artisane », c’est réaffirmer que la transmission, la légitimité et la mémoire professionnelle ne sont jamais la chasse gardée d’un seul genre.

Quels métiers artisanaux sont aujourd’hui investis par les femmes ?

L’artisanat français se transforme, porté par des femmes qui investissent des métiers nouveaux, déplacent les frontières et renouvellent l’image de certains univers professionnels. Selon les chiffres de l’INSEE et de l’Union des entreprises de proximité, leur part atteint aujourd’hui environ 25 % du secteur. Mais la répartition diffère fortement d’une branche à l’autre.

Dans certains domaines, la féminisation est indéniable. Par exemple, la coiffure, l’esthétique, la couture ou l’univers de la boulangerie-pâtisserie. Les femmes y représentent parfois la moitié, voire plus, des effectifs. Elles y créent, dirigent, lancent de nouveaux concepts, forment et innovent. On trouve de véritables parcours de cheffes d’entreprise, de dirigeantes reconnues, de formatrices d’influence.

Le secteur du bâtiment reste plus fermé : seuls 2 à 3 % des entreprises sont dirigées par des femmes. Pourtant, leur présence s’affirme en plomberie, menuiserie, électricité. L’arrivée, année après année, de jeunes apprenties dans ces filières annonce une bascule discrète, mais profonde.

Quelques tendances se dégagent, qui permettent d’avoir une vue d’ensemble :

  • Dans les métiers de bouche, la progression féminine est sensible, notamment en pâtisserie et chocolaterie.
  • L’esthétique et la coiffure concentrent toujours la majorité des femmes présentes dans l’artisanat.
  • Les secteurs techniques changent lentement, mais la tendance à la mixité progresse.

La montée en puissance des femmes dans l’artisanat pousse à reconsidérer les critères de valorisation. Leur présence oblige à dépasser les automatismes pour reconnaître le talent là où il se trouve, sans filtre lié au genre.

Défis, stéréotypes et obstacles : comprendre les réalités du parcours des artisanes

Choisir l’artisanat, quand on est une femme, c’est affronter de nombreux défis. Si leur nombre augmente, les stéréotypes tiennent bon. Dans le bâtiment, la mécanique, la métallurgie, la force physique reste mise en avant, créant une barrière ou confinant les femmes à des tâches dites « féminines ».

L’accès à la formation professionnelle, ou à la reconversion, n’est pas toujours équitable. Les programmes existent, mais restent mal connus ou peu accessibles. Plusieurs candidates hésitent à franchir le pas, freinées par un manque de rôle-modèles féminins ou des discours peu encourageants. Au sein d’une entreprise artisanale, la reconnaissance professionnelle n’a rien d’automatique : à poste égal, il subsiste un écart de rémunération et parfois un sentiment d’isolement.

Plusieurs difficultés jalonnent encore le parcours :

  • L’embauche reste marquée par des préjugés en lien avec la maternité ou la gestion d’une structure.
  • La légitimité des artisanes est encore régulièrement questionnée, surtout dans des milieux dominés par les hommes.
  • Les réseaux, majoritairement masculins, peuvent limiter l’accès à certains marchés ou opportunités d’expansion professionnelle.

Pour s’imposer, il faut une solide détermination. Reste à voir si le secteur ira au bout de cette évolution, en permettant à chacune d’accéder aux mêmes parcours, salaires et perspectives sans distinction.

Deux cartes de visite artisan et artisane sur une table en bois

Des initiatives inspirantes pour promouvoir l’égalité et la mixité dans l’artisanat

Passer de la théorie à la réalité suppose des actions tangibles sur le terrain. Loin de se contenter de mots, de nombreux acteurs lancent des initiatives pour faire reculer les préjugés et soutenir la diversité dans les entreprises artisanales. Les chambres de métiers et de l’artisanat multiplient les actions de mise en lumière de parcours féminins et des richesses offertes par ces métiers. Portraits, ateliers, forums : les femmes accèdent à une visibilité nouvelle et, ce faisant, deviennent des modèles pour la génération suivante.

Dans le système scolaire, les interventions se multiplient pour détacher l’image des métiers artisanaux de celle d’un univers masculin. Pour celles qui créent leur entreprise, plusieurs dispositifs d’accompagnement existent afin d’élargir leurs réseaux professionnels, renforcer leurs compétences managériales et faciliter l’accès aux financements.

Le langage, lui aussi, compte. Revendiquer le terme « artisane », c’est affirmer sa place et être reconnue dans les textes comme sur le terrain. La féminisation des intitulés rend visible ce qui ne l’était pas.

Parmi les initiatives qui bousculent les lignes, on peut citer :

  • Un concours annuel qui valorise les artisanes emblématiques et récompense leurs parcours d’exception.
  • La mise en place de plateformes en ligne pour partager témoignages et recenser les initiatives locales et nationales.

Cette dynamique s’intensifie. Institutions, associations, entreprises : de plus en plus s’engagent à faire changer les mentalités, afin que l’égalité s’impose dans toutes les dimensions de l’artisanat. À mesure que le mot « artisane » s’installe, l’avenir de la profession s’ouvre aux talents. Et on imagine sans difficulté un secteur où la question du genre n’est plus qu’un vieux souvenir, remplacée par la seule reconnaissance du savoir-faire.

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